Colloque « La Transition Numérique du Bâtiment » du 13 février 2018, au Club des Entrepreneurs :

Un riche partage d’expériences, et un constat d’évidence : le BIM est déjà là, et il s’agit de bien plus que de Transformation Digitale !

D’après une étude de Vérizon, on aura dans le Bâtiment en 2019 25,6 milliards d’objets connectés ; les IoT (Internet of Things) seront passés en valeur de 2014 à 2021 de 9,7 à 30 milliards d’Euros.

SmartHome, SmartCity, les mesures de l’eau, du chauffage, de la climatisation, de la ventilation : depuis 3 ans, les 3 majors que sont Engie, Dalkia-Cram et Idex déploient par dizaines de milliers d’unités des sondes autonomes à basse énergie, qui remontent des données par réseaux radio bas débit, vers des applications qui les exploitent en supervision sur le Cloud ou bien en mode Big Data …

Bref la rupture technologique est déjà bien avancée ! Depuis plusieurs années, les Maîtres d’ouvrage que sont les collectivités locales, la Ville de Paris, et de grands bailleurs sociaux, exigent une approche BIM et une maquette numérique. Et tant d’autres…

Le BIM est partout : dans la construction, mais aussi maintenant dans la maintenance et la GMAO : suivi énergétique, systèmes d’alertes en cas de pannes ou de surconsommation, géolocalisation, etc. L’objet pousse vers l’humain, pour que l’humain intervienne. La maquette numérique (BIM) (synthèse d’un plan 3D toujours à jour et modélisé à base d’objets numériques) pose le projet, portée par l’Architecte et le Bureau d’ Etudes, puis alimente la GTB (Gestion Technique du Bâtiment) pour tous les corps de métier pendant la construction, et sert de base ensuite à la maintenance prédictive.

On le voit : le BIM est bien plus qu’un passage au tout numérique dans le Bâtiment. C’est avant tout un nouveau processus de travail collaboratif entre tous les acteurs et autour d’un projet virtuel, avant même de poser la première dalle de béton.  C’est ensuite une maquette numérique en 4D (3D et la dimension du Temps), et enfin un logiciel qui l’exploite (Revit 80 % aux USA, 65 % en Europe ; Allplan en Allemagne, Magicad en France, et Bentley aux USA).

Mais le BIM et l’utilisation systématique de la maquette numérique devra encore faire la preuve que leur principal intérêt est de faire gagner du temps et de l’argent aux Maîtres d’Ouvrage et aux Maîtres d’Oeuvre ; ainsi que de simplifier l’alignement des chantiers aux contraintes réglementaires. Il faudra encore du temps pour que tous s’y mettent, que la culture d’exploitation change, que les compétences de tous s’élèvent, que les processus de travail s’ouvrent. Pourtant tous le comprennent aujourd’hui : tout le monde y a intérêt à terme ! Rappelons ces chiffres si nous n’en sommes pas encore persuadés :

  • 80 % des chantiers ont du retard
  • 40 % des chantiers dépassent leur budget initial
  • la construction génère 48 milliards de déchêts
  • les utilisateurs de Revit et Autodesk se multiplient par 2 tous les 6 mois

Les efforts porteront dans le futur proche vers la qualité de la synthèse finale numérique, attendue par tous ; puis vers une organisation différente de l’exploitation (Conception – Etudes – Modélisation – Réalisation) ; et des méthodes de travail collaboratives complétement nouvelles. La marche est engagée depuis des années, le processus est inéluctable ! La question qu’il faut se poser maintenant est : quand et comment je rejoins le mouvement …

Présentation de Dominique Naert, Consultant Expert BIM : « La Transition Numérique dans le Bâtiment »
Présentation de Nathalie Falise, Formatrice Experte BIM : « le BIM, définir les besoins en formation »

Interviews de Dominique Naert et de Nathalie Falise  : quelle est la réalité du BIM aujourd’hui dans les entreprises du Bâtiment ?

Q – D’après vous, quels sont les principaux facteurs bloquants pour une PME à se lancer aujourd’hui dans l’aventure de la Transition Numérique ?

R – Dominique Naert : Je pense que la première chose pour une entreprise est de comprendre les enjeux. Arriver à saisir les choses. Tant que cela reste théorique, les gens n’arrivent pas comprendre ce qu’est le BIM. Egalement, le fait que ceux qui font du BIM, les informaticiens, sont des gens d’un autre monde avec un autre langage : les gens du Bâtiment n’arrivent pas immédiatement à les comprendre. Enfin, tout cela leur parait trop ambitieux, futuriste, pour ne pas risquer de perdre la main.

R – Nathalie Falise : je dirais que les principaux freins identifiés et qui reviennent de façon récurrente, c’est d’abord l’investissement financier sur l’outil. Mais on peut répondre à ça que quand il y a de nouveaux outils techniques sur le chantier, on doit bien investir pour les utiliser. Ensuite le temps demandé pour la formation et l’adaptation à ces nouveaux outils. Enfin les préjugés, comme « ce n’est pas pour aujourd’hui », « on en est encore loin », je ne vois pas pourquoi ça changerait car aujourd’hui ça marche bien comme ça » … En fait, la difficulté essentielle est la résistance au changement, de sortir de sa zone de confort, – et honnêtement le monde de la construction aujourd’hui vit vraiment un bouleversement, non pas de métier, mais de méthode. Ca va donc demander du temps … Il y a six ans, j’ai voulu implanter une application de suivi de chantier sur un de mes projets, et je me suis entendue dire textuellement « attends encore 15 ans »… Aujourd’hui on commence à me demander comment ça marche. Les professionnels comprennent que leur employabilité est en jeu.

Q – A contrario, que peut-on dire à un Dirigeant d’Entreprise qui le motive à s’y mettre ?

R – Dominique Naert : il y a deux choses positives. La première est que tous les Maîtres d’Ouvrage vont demander le BIM, le marché va pousser la demande. Notamment avec la RE  2020 (Réglementation  Environnementale) où il faudra faire des simulations pour pouvoir déposer les permis de construire, il est évident que tous auront un intérêt à s’y mettre. La deuxième chose, c’est d’arrêter de gaspiller du temps sur les chantiers. Que ce soit avec le BIM ou avec le LEAN, l’optimisation de la productivité va être à l’ordre du jour, parce qu’il est évident que cela apporte de la valeur ajoutée à l’entreprise.

R – Nathalie Falise : je compléterais en disant que ces nouvelles méthodes vont attirer les jeunes vers les métiers de la construction. En utilisant des outils auxquels ils sont familiers, c’est une façon indéniable de redorer le blason de nos métiers qui ont été galvaudés. Cela les revalorise. De plus, on est toujours dans une recherche d’amélioration continue, et nos métiers en ont besoin. L’image de la profession va vraiment prendre un coup de jeune et de neuf. Et je crois énormément aux échanges inter-générationnels que cela va engendrer !

Q – A votre avis, l’avancée du BIM va-t-elle faire émerger de nouveaux métiers dans le Bâtiment ?

R – Dominique Naert : je ne dirais pas de nouveaux métiers, mais des métiers un peu différents. C’est-à-dire les métiers vont être impactés par le digital ; ou encore nous allons voir arriver des « digitaliciens » … Par exemple, en Allemagne, on a inventé le « travailleur cognitif ou 4.0 ». Grosso modo, demain nous aurons des travailleurs hybrides, c’est-à-dire à double, triple ou quadruple compétences : capables à la fois d’être sur le chantier et à la fois interfacer le bureau d’études ; à la fois être compétent en numérique et à la fois avoir une vraie spécialisation professionnelle.  Pour moi le BIM Manager est un métier provisoire, qui vient aujourd’hui coordonner la complexité des outils. Mais quand le niveau 2 du BIM sera vraiment répandu, avec des acteurs capables de travailler de façon collaborative en BIM, nous n’aurons plus besoin de lui : ce sera alors sans doute l’Architecte qui prendra pleinement le lead du projet.

Q – Quelles innovations pédagogiques voyez-vous accompagner cette avancée du BIM ? Parlez-nous notamment des leçons que l’on peut tirer de l’expérience allemande, svp.

R – Dominique Naert : le processus d’apprentissage allemand, ou suisse aussi d’ailleurs, est une formation duale. 4 jours en entreprise + 1 jour en centre de formation, et ce toutes les semaines.Ceci pendant deux, trois, voire quatre ans. Ensuite les jeunes ont la possibilité d’accéder aux hautes écoles supérieures de formation, c’est-à-dire des IUTs très concrets. Ce système permet de se confronter à la pratique et à la théorie à la fois. Notre réforme actuelle de l’apprentissage s’inspire d’ailleurs beaucoup des systèmes allemands et suisses. C’est l’entreprise qui reprend le leadership de la formation du jeune. Quand on voit l’évolution technologique du métier, c’est sur le terrain que se font les apprentissages des nouvelles technologies. Il faut dire qu’en Allemagne, le BIM est obligatoire actuellement dans la construction …

R – Nathalie Falise : en termes de pédagogie, le fait d’animer des formations sur un mode interactif et ludique en incluant l’utilisation des outils numériques (outils utilisés quotidiennement dans notre vie malgré tout), peut  aider à donner l’envie d’apprendre. On traite ainsi du sujet de la transition numérique sans créer de blocage et sans résistance.

R – Dominique Naert : c’est ce qu’on appelle de la pédagogie inversée : on donne aux jeunes tous les moyens numériques, et à eux de se les approprier. On s’assure que la base est bien comprise, et on progresse de façon modulaire. C’est un peu ce que dit d’ailleurs Cedric Villani pour l’apprentissage des mathématiques : c’est exactement ce qu’il faut faire pour la transition numérique !

Trois nouveaux stages sont proposés par Afortech :

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