Un marché sous pression

La maintenance multitechnique et multiservice est devenue, ces dernières décennies, un marché à part entière, et un métier tout aussi spécifique. De plus en plus les prestations ont tendance à monter dans la chaîne de valeur, qui va jusqu’au facility management.

Beaucoup d’acteurs se disputent ce marché. A côté des majors de la construction (Vinci Energies, Bouygues Energies & Services ou Eiffage Energie, et des filiales d’énergéticiens comme Dalkia et Cofely), de nombreuses PME bénéficient aujourd’hui sur ce secteur d’une présence locale importante. A cet égard, citons l’étude de Sabrina Tiphaneaux, Les Echos, qui fait référence sur ce sujet : « Le marché français de la maintenance multitechnique ».

Ce marché de la maintenance multitechnique et multiservice est attractif à plusieurs titres, en dehors du fait qu’il assure des revenus récurrents. D’une part, la plupart des entreprises ont externalisé la maintenance de leurs installations offrant aux prestataires spécialisés un très vaste marché. D’autre part, les marges y sont, bien souvent, supérieures à celles réalisées dans les travaux d’installation, et l’activité moins cyclique, les contrats courant sur plusieurs années.

La conjoncture économique dégradée  ces dernières années n’a pourtant pas épargné le secteur. Les prestataires ont souffert de la mauvaise tenue du secteur du bâtiment et de la baisse de la demande publique. Ils subissent également une forte pression sur les prix baissant leur profitabilité alors même qu’ils doivent consentir des investissements de plus en plus importants (formation des techniciens, outils de pilotage des consommations…). Les prestataires du multitechnique n’ont pas échappé à la conjoncture dégradée. Ils subissent une forte pression sur les prix, signe d’une concurrence exacerbée.

Ainsi les marges sont sous pression. Selon les segments, les entreprises du secteur ont perdu entre 1,4 et 4,7 points de marge brute au plus haut de la crise, entre 2009 et 2013. La restauration des marges est une priorité. Elle passe autant par une course aux volumes que par la recherche d’une plus forte valeur ajoutée de l’offre. Ceci dit rassurons-nous : on parle quand même d’un marché estimé en 2018 à environ 16 milliards d’euros !

Mais la reprise du marché de la construction, le soutien de l’ Etat en faveur de la rénovation des bâtiments et les enjeux en matière d’efficacité énergétique sont autant de facteurs qui devraient soutenir la croissance du marché de la maintenance multiservice dans les années à venir.

La maintenance multitechnique, qu’est-ce que ça recouvre ?

La maintenance est nécessaire au maintien de la qualité des lieux et des diverses fonctionnalités du bâtiment.

Les bâtiments tertiaires abritent la plupart du temps des activités de services ; la qualité du lieu y revêt une importance notable et ne peut perdurer sans une maintenance régulière. Tout manque ou toute défaillance dans l’entretien peut avoir de graves conséquences au niveau de l’utilisation du bâtiment, de sa capacité à continuer à assurer les fonctions qui lui sont assignées. Cet entretien est compliqué à orchestrer, parce qu’il requière des compétences multiples (énergie, chauffage, climatisation, ventilation, couverture, électricité, etc.). Mais aussi parce qu’il appelle un partenaire unique qui s’engage pour le compte des propriétaires sur des performances toujours plus exigeantes.

Prenons un exemple. Pour parvenir à optimiser la performance énergétique du parc, plusieurs moyens d’action s’avèrent complémentaires : réalisation de travaux mais aussi renouvellement des équipements, optimisation de la gestion et de la maintenance, travail de mesure et de suivi des consommations, sensibilisation, communication et mises en place de bonnes pratiques à l’attention des utilisateurs. L’effort devra donc être partagé entre les propriétaires, les exploitants et les utilisateurs. C’est au prix de leur action commune et de la conjugaison de leurs efforts que des résultats de l’ordre de ceux attendus par le Grenelle de l’environnement seront attendus.

Dans les premières années de vie d’un immeuble de bureau, il est admis que l’entretien est indispensable parce qu’il représente l’espoir de pérennité des installations. L’ensemble des coûts de maintenance multitechnique s’élève à 18€ /m2 ramené à la surface locative.

Or l’objectif, à l’horizon 2030, est de réduire de 38 % la consommation en énergie du parc tertiaire français, soit celle de 176 millions de mètres carrés de bureaux. Celle-ci est aujourd’hui estimée par l’ADEME à 274 kWhEP/m2/an (148 kWh pour le chauffage et l’eau sanitaire et 126 pour l’électricité) (Cf. Activité Développement Durable et Energie).

Cet objectif nécessite dès lors que les propriétaires fassent le point sur leur parc et établissent des stratégies d’amélioration de leur performance. A leur disposition, les diagnostics de performance énergétique (DPE) : les cabinets d’audit, de plus en plus nombreux, sont là pour leur proposer des solutions de thermographie. Cela permet, grâce à une caméra thermique, d’obtenir une image du bâtiment mettant en évidence les défauts d’isolation, les ponts thermiques, les fuites d’un appareil de chauffage ou d’un plancher chauffant encastré, ou encore les serrages défectueux d’une armoire électrique en surchauffe.

En dehors de ces exigences énergétiques, nous avons celles à caractère obligatoire, principalement au titre de la sécurité des personnes et du Code du Travail. Un bâtiment de bureaux est par exemple un lieu de travail et éventuellement un lieu d’accueil du public. Il doit en permanence offrir des conditions de travail correctes et garantir la sécurité des personnes qui le fréquentent, l’ensemble étant précisément réglementé. Si ces réglementations portent sur les dispositifs bâtis et les équipements de sécurité, elles imposent également des obligations d’entretien et de contrôles réguliers.

Les définitions et concepts de la maintenance des bâtiments proviennent principalement de la Norme X 60-010 – décembre 1994 – Maintenance – Concepts et définitions des activités de maintenance. La norme définit deux  catégories de maintenance, la maintenance préventive et la maintenance corrective. Chaque catégorie est elle-même subdivisée en différents types de maintenance  :

1. la maintenance préventive : maintenance systématique,  conditionnelle et prévisionnelle
2. la maintenance corrective : maintenance palliative et curative

Enfin,  les objectifs fixés à l’entreprise extérieure chargée des prestations de maintenance peuvent être de deux types : contrats à obligation de moyens ou et contrats à obligation de résultats. Tout l’art sera de proposer des modèles de contractualisation des prestations de maintenance de plus en plus sophistiqués, jusqu’à ceux de facility management où le prestataire prend complètement à son compte la responsabilité sur le moyen et le long terme d’un équipement complet.

Un secteur en pleine recomposition

Le challenge des entreprises spécialisées dans ce type de maintenance est de répondre toujours plus à des demandes multisites, multiactivités, multimétiers. On assiste aujourd’hui à un repositionnement agressif de ces acteurs.

 

  • Une course à la taille et au volume :
    Pour rester dans la course, tous sont dans une logique

    • d’une part de poursuite du maillage de leur réseau sur le territoire, la réactivité et la proximité constituant des facteurs clés de succès ;
    • d’autre part d’un positionnement sur une offre globale, le long de la filière : face à des clients qui souhaitent disposer d’un interlocuteur unique pour répondre à l’ensemble de leurs besoins, les prestataires élargissent aussi leur spectre d’intervention (jusqu’à  des offres d’externalisation à travers des contrats de facility management) ;
    • enfin, on assiste à la montée en puissance de l’efficacité énergétique dans leur offre et leur discours commercial.
  • Accélération de la consolidation du secteur :
    Ces stratégies se concrétisent par de nombreuses opérations d’acquisitions de la part des acteurs afin d’acquérir/renforcer des compétences et développer leur réseau. Les majors orchestrent pour certains plusieurs acquisitions par an. Les cibles sont souvent des PME qui misent sur leur forte implantation locale et la qualité de leurs prestations. Mais des opérations de plus grande ampleur ne sont pas à exclure et pourraient redessiner le paysage concurrentiel. Sur un marché encore très atomisé, où les cibles sont encore nombreuses, la consolidation du secteur est loin d’être achevée. Sous l’effet de la crise économique, mais aussi de nouvelles demandes de la part des donneurs d’ordres, le marché du multitechnique traverse une période de tension. Entre pression à la baisse sur les prix et les exigences de qualité en hausse, les acteurs du marché sont en quête d’un nouvel équilibre.
  • De nouvelles réponses des prestataires :
    • Une nouvelle génération de contrats qui sera plus précise en ce qui concerne les formules de révision de prix, ainsi que les délais de paiement. Ces documents intégreront également des clauses définissant les obligations du donneur d’ordres en termes de sécurité. En attendant, le marché s’adapte par une tendance à la concentration des entreprises pour rester rentable. Les marges unitaires par contrat ayant fondu, il est nécessaire de faire du volume pour maintenir la tête hors de l’eau.
    • Le regroupement des prestations : les acteurs peuvent réaliser des économies d’échelle grâce à des lots regroupés en mutualisant des ressources sur un périmètre plus large. Par ailleurs, ces prestataires misent sur l’accompagnement de leurs clients vers une meilleure efficacité énergétique , associée à la maintenance multitechnique. En réponse à la disparition progressive de l’expertise technique du côté des donneurs d’ordres, ces entreprises développent une offre de pilotage sous forme de prestation distincte. Plus que sur les prix des prestations de maintenance, déjà tirés au maximum, c’est sur ce type de prestations que se situent aujourd’hui les véritables marges. Certes la prestation a un coût, mais l’équation mérite d’être posée.
    • La réactivité et la proximité : d’autres acteurs du marché ont misé sur une maîtrise en interne d’une gamme complète de prestations. Certains proposent la « variabilisation » de leurs contrats, par exemple en cas de variation de la surface, tout en répercutant ce changement sur d’autres prestataires multiservices du groupe.
    • L’intégration de prestations à plus forte valeur ajoutée : au-delà de la maîtrise des consommations énergétiques et du développement durable, les nouvelles technologies ouvrent des perspectives en termes de gestion et de reporting. Un créneau sur lequel certains majors comme Spie se sont positionnés,  en intégrant le pilotage d’un ensemble d’équipements via le réseau IP. Avec la mutation numérique, que d’aucuns appellent « smartification », ces acteurs ne se contentent pas de régler techniquement une installation, mais ils sont capables de la gérer et de la manager avec un engagement de performance.
  •  De la valeur ajoutée et des volumes pour surmonter la crise :
    Tels sont les deux leviers principaux sur lesquels peuvent agir les prestataires de multitechnique. L’étude qu’un cabinet spécialisé vient de consacrer à l’évolution des marchés du multiservice et du multitechnique sur les exercices 2009 à 2013 relève les effets de la crise. Après une période de croissance continue jusqu’en 2011, la tendance s’est inversée. Les donneurs d’ordres ont également modifié leurs pratiques : moins d’offres packagées ou globalisées (incluant un panel de prestations), mais davantage d’offres multitechniques dissociées. Sur ce marché qui pèse aujourd’hui 12 303 M€, 68 % des prestations vendues sont liées au fonctionnement du bâtiment, 24 % viennent en support des process métiers des entreprises et seulement 8 % concernent la gestion de l’énergie et des fluides. En se projetant en 2018, ce cabinet prévoit une croissance du marché multitechnique à 15 245 M€.
  •  Un marché à l’aube d’une recomposition :
    Deux tendances de fond sont donc en passe de remodeler le marché de cette maintenance.D’une part, la transition énergétique avec le renforcement des normes environnementales et la multiplication des réglementations pour améliorer la performance énergétique des bâtiments. Pour les majors du multitechnique, l’efficacité énergétique est ainsi devenue la base de leur offre de maintenance. Mais comment valoriser ce service que la plupart des donneurs d’ordre considèrent comme faisant partie intégrante des prestations ?

    D’autre part, la révolution numérique qui va constituer le principal enjeu des prochaines années pour les prestataires. BIM, smart building, objets connectés… Ces innovations offrent aux prestataires des moyens nouveaux pour gagner en efficacité opérationnelle et répondre aux attentes fortes de la demande (suivi en temps réel des installations, maintenance prédictive, baisse des coûts des réparations…). Toutefois, elle est susceptible de modifier les équilibres du secteur avec notamment le risque de voir de nouveaux types d’acteurs s’interposer dans leur relation clients. Les leaders du marché ont déjà franchi le pas et se positionnent sur les grands sujets de demain.

Mais tous devront accélérer dans les années à venir. Pour répondre à ces deux enjeux, des rapprochements entre acteurs pourraient rapidement avoir lieu, associant des savoir-faire techniques et des compétences numériques. Pour rester dans la course, les plus petits acteurs devront très probablement passer un cap en recourant à des acquisitions. Mais aussi et surtout en bâtissant des plans agressifs de montée en compétences de leurs équipes, pour pouvoir se hisser à la hauteur des défis de demain.

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